Histoire

Cet article participe au Carnaval d’articles organisé par le blog « Écrire de la fiction.com » dont j’apprécie particulièrement cet article. Françoise, qui connaît mon goût pour les histoires, m’a proposé d’y participer, et j’ai accepté, à condition d’avoir le droit d’y mettre quelques imparfaits du subjonctif. À voir, donc.

 

 

Je n’ai jamais connu ma mère.

Je suis née, avec des dizaines d’autres dans une grande couveuse et, petits poussins que nous étions, nous nous blottissions sous la  chaleur de la lampe, bien serrés les uns contre les autres pour nous donner du courage face à la vie qui nous attendait. Mais je n’ai pas eu de maman qui m’a appris les choses importantes de la vie : comment choisir une bonne graine, comment gratter le sol pour y trouver des trésors…

Poussin

Grandissant, nous avons été mis à l’extérieur sous le soleil et dans le vent dans un grand enclos grillagé. Nous sautions comme un nid de petites puces, heureux de vivre à l’air libre. Un jour, on a emporté les petits coqs et nous n’avons plus jamais entendu parler d’eux. Nous allions et venions… Parfois, nous nous mettions à courir toutes ensemble d’un côté et de l’autre, comme des vagues bleutées… La vie était étrange et ne prenait aucune direction.

Poulets

Un jour, on a mis avec nous trois grandes poules qui nous ont semblé très vieilles. Elles ne couraient pas mais toutes, nous avons ressenti la même émotion. Ces poules étaient ce que nous avions jamais vu de plus proche d’une maman…

Il y en avait une auprès de laquelle j’aimais plus que tout aller me coucher. Je m’accroupissais contre ses plumes et bien que je ne fusse plus un poussin, je tremblais d’émotion dans la douceur et la chaleur qui en émanaient. Je crois bien qu’elle aussi était heureuse de ce contact. Et c’est comme ça que nous sommes devenues mère et fille, alors que nous n’avions pas même de nom.

Parfois, ma mère me racontait ce qu’elle connaissait du monde en dehors de l’enclos. Je l’écoutais pieusement, émerveillée par l’immensité du monde au-delà du grillage : il s’étendait au moins jusqu’au bout du grand champ qu’on devinait…

Mais ce que j’aimais par-dessus tout, c’étaient les histoires qu’elle me racontait et qu’elle tenait d’un vieux coq qu’elle avait fréquenté quand elle n’était encore qu’une jeune pondeuse. Et de toutes, ma préférée était celle-ci :

Un jour une poule imprudente tomba dans un puits. Elle eut beau sauter, essayer de grimper le long des vieilles pierres, elle ne put en sortir et se mit à crier. Le paysan l’entendit et essaya bien un peu de l’en tirer : après tout, elle avait été sa meilleure pondeuse. Mais il n’y parvint pas et au bout d’un moment, il décida qu’il avait plus important à faire. Mais la poulette continua de crier et de crier et de crier… Si bien que le paysan en eut assez de l’entendre. Après tout, cette poule ne pondait plus vraiment ces derniers temps et il fallait combler ce puits qui était devenu bien dangereux.

Puits

Alors, il appela ses voisins pour qu’ils l’aidassent à combler le puits. Et chacun de jeter sa pelletée de terre. La poule arrêta de crier. Attiré par un vague remords, le paysan se pencha, pensant voir paraître quelques plumes de l’enterrée. Mais ce qu’il vit l’ébahit. Chaque pelletée de terre envoyée dans le puits servait de tremplin à l’emplumée. Chaque pelletée de terre la rapprochait de la surface et bientôt, elle put sortir du puits comblé.

L’histoire ne dit pas si elle quitta la ferme de ce paysan ingrat mais je me plais à penser qu’elle partit vivre dans la chaumière voisine où l’on prenait soin des bêtes jusqu’à leurs vieux jours.

Je n’ai jamais eu l’occasion de vraiment appliquer la philosophie de cette histoire parce que, depuis que Françoise est venue me chercher à l’élevage pour m’amener ici, je n’ai pas eu à subir d’avanies. Juste de petites prises de bec de temps en temps.

Je ne suis qu’une petite poule mais je sais que si je le devais, je serais prête à m’élever au-dessus de l’adversité en m’appuyant sur la médiocrité de ceux qui voudraient m’enterrer…

 

 

6 réflexions sur « Histoire »

  1. Merci, Poulette, pour ta participation à mon événement inter blogueurs. Tu me permets de t’appeler Poulette ? C’est affectueux, n’y voit aucune offense. En effet cette histoire est très inspirante et prouve encore une fois qu’il y a bien des façons d’aider les autres, et bien des façons de se sortir des ennuis.

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